Le soleil baissait à l’horizon. Son flamboiement baignait les lieux d’une ambiance irréelle, apocalyptique. De cet univers clair-obscur, une constante se dégageait. L’absence.
Nulle lumière artificielle, nulle trace d’activité humaine, où que porte le regard. Juste des statues renversées, brisées, moquant l’ego démesuré des hommes qui s’étaient crus immortels. L’éternité promise s’était figée, tandis qu’ils croisaient un à un le regard de la Créature.
Caleb inspira, laissant l’odeur d’ozone envahir ses poumons. Il se laissa aller en arrière, goutant un instant le calme ambiant. Pour le moment, il était à l’abri. La Créature avait été aperçue quelques jours plus tôt dans les ruines de Boston, rayant Jill de la liste des derniers survivants. Il avait quelques jours, au moins, avant qu’elle ne vienne le chercher. A moins qu’elle ne préfère passer par la Russie et pétrifier Alyona en premier ?
Il se demanda fugacement à quoi ressemblait la Créature. Nul ne l’avait jamais vue, bien sûr – du moins, pas sans le payer au prix de sa vie. Aurait-il le courage de la regarder dans les yeux, le moment venu, comme elle le transformait en statue ? En tous cas, il n’avait pas l’intention de chercher à lui échapper.
Il sourit de dérision en repensant à sa dernière conversation avec Jill. Il lui avait dit… il avait dit qu’il était las de cette fuite sans fin, qu’il comptait profiter de ses derniers moments, qu’il renonçait à vaincre la Créature. Jill l’avait traité de lâche. Elle avait crié qu’elle lutterait jusqu’au bout pour la survie de la race humaine, que c’était leur devoir à tous les trois.
Elle s’était réfugiée dans un bunker antiatomique. Elle avait piégé le chemin d’accès de son mieux, y avait même placé plusieurs bombes nucléaires. Mais la Créature l’avait tout de même rattrapée. Pauvre Jill.
Et maintenant ? Lui ou Alyona ?
Dur à dire. La Créature avait toujours agi de manière imprévisible en traquant les derniers humains. Il était, à vrai dire, chanceux d’être encore en vie. Quelques années plus tôt, la Créature était passée juste devant lui sans s’arrêter. Elle avait tué le reste de son groupe. Il les entendait crier tout en gardant les yeux résolument fermés, priant quelque dieu oublié de lui venir en aide. Et la Créature l’avait épargné. Pourquoi ? Impossible à dire.
Le soleil couché, la fraicheur tomba sur lui. Il rentra et se prépara une tasse de café, pensant à ce que devait ressentir Alyona. Il l’appellerait demain, pour lui parler une dernière fois. La Créature venait pour l’un d’entre eux.
Serait-il le dernier ? Devrait-elle porter ce fardeau ?
Il y songea un instant, puis haussa les épaules.
Ils le sauraient bien assez tôt.
Date d’écriture: 2020