Humanus ex machina

L’opinion publique croit qu’un jour, la machine pensera comme l’homme. La vérité, c’est que pendant que la machine s’approprie de plus en plus de comportements humains, l’homme se rapproche de plus en plus de la machine. Il ne raisonne plus qu’avec des chiffres. Il perd toute empathie envers les siens. Il planifie l’ensemble de son existence. Moi, je crois que l’homme et la machine se rencontreront à mi-chemin. Humanus ex machina.

Et cette idée me terrifie.

 

Date d’écriture: 2015
A ceux qui font mentir cette histoire.

Cataclysmes

Une feuille se détache de sa branche, choit sans bruit et effleure la surface en grands cercles concentriques. Le vent se lève, son souffle trace d’étranges chemins au contact de l’eau. Un poisson, effrayé par quelque menace inconnue, brise la limite entre la mare et le ciel avant de fuir de nouveau vers les profondeurs. Une écrevisse fouille la vase quelques instants et se cache sous un rocher en me voyant. Petits cataclysmes dans la vie de l’étang.

A côté de moi, mon ami s’agite:
– Il ne se passe rien, je m’ennuie… on y va ? »

Les cataclysmes ne devaient pas être si évidents.

Date d’écriture: 2013
Aux amoureux de la nature.

lake-chabot

Le plan

Le plan était parfait. Retrouver le commanditaire sur la plage. Lui subtiliser son arme. Gagner la confiance de la banquière. S’introduire dans les locaux. La tuer. Transférer les fonds. Eliminer le vigile quand il ferait sa ronde. Laisser l’arme du commanditaire bien en vue. Quitter les lieux. Un plan parfaitement huilé.

Jusque-là, tout se déroulait à merveille. Les fonds se transféraient. Des pas retentirent dans le couloir. Le vigile. L’arme du commanditaire se leva en un mouvement fluide. Droit vers le cœur. Clic. Clic ?! Le vigile portait sa main à sa hanche droite. Une arme apparut à son poing. Bang. Tout devint noir.

Quelques jours plus tard, le laboratoire découvrit ce qui avait enrayé l’arme du commanditaire. Dans ses rouages se trouvait un minuscule grain de sable.

 

Date d’écriture: 2014

La peinture

Un sentiment diffus mais puissant nait peu à peu pendant que l’artiste travaille. L’odeur âcre de la peinture, la sensation des pigments sous ses doigts – personne, jamais, n’a réalisé quelque chose de semblable dans le passé. Derrière lui, une foule de plus en plus nombreuse s’amasse. Chacun se tord le cou, impatient de découvrir l’œuvre finale, étonné, ému. Mais personne ne dit mot. S’il ne s’était retourné, l’artiste aurait pu se croire seul au monde.

Un dernier trait, et voilà son œuvre terminée. Une femme enceinte, stylisée. Derrière lui, sa femme sourit. Encore quelques jours et ils seront parents pour la première fois. Un murmure monte de la foule derrière lui. Tous s’approchent soudain, examinent l’œuvre, le prennent dans leurs bras, essaient de voir, de toucher chaque centimètre carré de la peinture. Ce sera sa trace sur le monde.

Dans la foule, une jeune femme montre la peinture à son petit ami. Le guide explique quelque chose. Je ne l’écoute plus. J’imagine cette émotion primitive, animale, envahir l’artiste qui a peint les murs de la caverne. Je la ressens. Dans quelques jours, je serai parent pour la première fois.

 

Date d’écriture: 2014
Aux presque nouveaux parents.