L’ultime vérité

Qu’est-ce que la Vérité ? Un simple mot, un concept inaccessible ? Sans doute. Mais pour le prêtre, Monseigneur de Valliès, c’était un véritable credo. C’était sa vie, son serment. Il avait promis, quelques décennies auparavant, de ne jamais plus dire que la Vérité. Mais voilà. Au soir de sa vie, il devait bien en convenir, ce serment avait fait de trop nombreuses victimes.

Ces réfugiés, sauvagement massacrés par cette bande de soldats en maraude, parce qu’il ne pouvait se résoudre à leur montrer la mauvaise direction. Ces paysans, pendus par le duc, parce qu’il ne pouvait prétendre qu’ils avaient effectivement donné tout le grain aux percepteurs d’impôt. De trop nombreuses victimes, oui.

Ces morts perturbaient Monseigneur de Valliès, bien entendu. Il en avait conclu que le monde était par trop imparfait pour accueillir une si totale honnêteté de propos. Mais dans cet instant de lucidité, suspendu entre le noir voile de la mort et le lumineux monde des vivants, un autre mensonge occupait tout l’espace.

Mensonge ? Est-ce un mensonge, si l’on croit sincèrement à ses propos ?

Oui. Et en un frisson d’horreur, Monseigneur de Valliès réalisa qu’à son insu, il avait en réalité menti toute sa vie.

Car en cet infime instant, il réalisa que Dieu, cet être magnifique auquel il avait sa vie entière voué ses louanges, ce guide suprême au nom duquel il avait renoncé au mensonge… Dieu, donc, n’existait pas.

Et sur cette dernière Vérité, il sombra dans le néant.

Date d’écriture: 2020

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