Les salles obscures

Quand elle habitait sur Paris, Maelys allait fréquemment au cinéma. Au départ, elle payait sa place comme tout le monde, mais le temps passant, elle avait commencé à tricher – payer un seul ticket et voir plusieurs films d’affilée, rentrer par les portes de sortie, etc. D’abord une fois, puis deux, jusqu’à progressivement en faire une habitude.
Elle aimait ce petit frisson, cette poussée d’adrénaline qui allait avec ces petits larcins. Quand elle passait devant un employé avec un faux ticket, quand elle se cachait dans les toilettes en attendant la séance suivante, quand elle se glissait derrière un groupe parfaitement légitime pour mieux se fondre dans la masse. Quand les contrôles se renforcèrent, elle dut déployer des trésors d’imagination pour passer à travers les mailles du filet… une vraie Mata Hari des salles obscures.

Et puis le métier de Maelys l’amena en d’autres contrées. Quand elle atterrit à Aberdeen en Ecosse, une des premières choses qu’elle fit fut de se rendre dans la principale salle de cinéma de la ville. C’était… différent des salles parisiennes. Plus petit, plus intime. Plus… quelque chose clochait. Maelys mit un moment à mettre le doigt dessus. Il n’y avait personne pour valider les tickets. Pas de contrôles.
Au départ, Maelys rit. C’était juste trop facile de gruger, comment le cinéma pouvait-il survivre avec tous les gens qui devaient passer sans payer leur place ? Et puis les implications se mirent en place dans son esprit. Il n’y avait pas de contrôleur. Les propriétaires du cinéma faisaient **confiance** à ceux qui venaient pour payer leur place. Et ça marchait parce que la plupart des habitants, tous peut-être, se montraient dignes de cette confiance.
Maelys alla au guichet, en dehors, pour payer son ticket avec l’impression de… de… elle peinait à le décrire. C’était chaud à l’intérieur. Valorisant. Agréable. Elle aurait pu tricher, sans jamais que personne ne le remarque, mais elle aussi se montrait digne de confiance. Elle avait envie de contribuer au succès d’une salle de cinéma où on ne la considérait pas, par défaut, comme une arnaqueuse. Des quatre années qu’elle passa à Aberdeen, jamais elle ne vit un film sans payer.

Quand finalement elle revint à Paris et retrouva les kyrielles de contrôles, elle recommença à entrer en douce. Mais c’était… différent. La poussée d’adrénaline s’accompagnait maintenant d’une pointe d’écœurement, à chaque fois plus forte. Elle essaya alors de payer sa place comme tout le monde, mais les regards soupçonneux des gardiens la rebutaient plus encore.

Alors Maelys cessa d’aller au cinéma.

Date d’écriture: 2019
Rien de tel que la confiance pour nourrir l’honnêteté.

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