Laia avait toujours ressenti un trouble particulier à l’approche de la pluie. Un genre de vague à l’âme, de nostalgie, de tristesse à l’idée des actes manqués, de ces opportunités qui ne se présenteraient jamais plus. Rien d’exceptionnel à proprement parler, c’est un sentiment fréquent par temps gris. Mais Laia n’était pas à l’aise avec cette explication. Elle ressentait la tristesse avant la pluie. Et avec le temps, elle en vint à croire que sa tristesse appelait l’ondée. Et inversement, que son bonheur la retenait.
Si bien que, quand une terrible sécheresse accabla les terres où elle était née, elle prit ses responsabilités et dit adieu aux siens. Commença alors un long voyage ensoleillé, plein de rires, de rencontres, d’exotisme. Elle eut des amis, apprit, grandit. Et jamais il ne plut sur sa route.
Par des chemins détournés, elle arriva aux portes du désert et rencontra les bédouins. Sa fascination pour ce peuple fut immédiate. Ces gens vivaient depuis des générations sans bénéficier des bienfaits du ciel. Une vie nomade, rythmée par les déplacements de point d’eau en point d’eau. Une vie rude. Une vie où Laia pourrait être heureuse sans nuire à personne.
Elle s’intégra peu à peu dans la communauté du peuple du désert, y rencontra un homme bon à qui elle donna tout son amour. Ils eurent trois merveilleux enfants auxquels ils enseignèrent l’art de la survie dans le désert. Ce fut une vie pleine de joie, une vie de partage. Son long voyage était enfin terminé. Et le temps passant, chaque jour succédant au précédent, Laia vieillit.
Au crépuscule de sa vie, les siens se réunirent autour d’elle en une vaste assemblée, comme le voulait la tradition. Peut-être plus que ne le voulait la tradition, même. Laia était respectée de tous, et l’approche de sa mort suscitait un vif émoi parmi les siens. Elle embrassa une dernière fois son époux et ses enfants, bénit son peuple, puis ferma enfin les yeux.
Quand elle mourut, il se mit à pleuvoir sur le désert.
Date d’écriture: 2018