Amnésie

Ces paroles résonnaient de manière obsessionnelle dans son esprit :
– Nous nous reverrons, mon ami ! »

Rien d’autre. Pas de souvenir. Pas de signe distinctif sur lui. Rien.

Il s’était réveillé, seul, sur cette paillasse miteuse à l’auberge. Sans savoir qui il était. L’aubergiste n’avait rien pu lui dire, pas plus que les clients autour. Il ne les reconnaissait pas, ils ne le reconnaissaient pas.

Il était sorti pour se trouver lui-même.

Depuis, il errait de ville en ville. En quête de quoi ? Il ne savait pas.

Pas de passé, pas d’avenir. Impossible de rêver à quoi que ce soit d’autre que son identité. La réponse était là, quelque part. En lui. Elle n’attendait qu’une étincelle pour ressurgir. Et il y avait ce besoin… un besoin physique de bouger, sans cesse, de creuser plus profondément, d’avoir des réponses. Quelque chose l’appelait, un peu plus pressement chaque jour. Comme une attirance magnétique. Sa mémoire ! Il la retrouverait. L’appel guidait ses pas, le rapprochant du but de jour en jour. Il y arriverait, il la retrouverait.

Et un soir, alors que l’appel hurlait dans l’ouragan de ses pensées, quelques lambeaux lui revinrent. Cette racine, là, tordue comme si elle avait été prise d’une terrible agonie… ces rochers biscornus… oui, il était déjà venu par ici ! Il se mit à courir jusqu’à la porte qu’il avait si souvent poussée. Enfin un lieu qui ne lui soit pas étranger ! Son foyer ?!

Derrière la porte, une nécromancienne l’attendait. Derrière elle, un globe où flottaient ses souvenirs. On pouvait y voir un nombre incalculable de parties de lui-même – il distinguait, de ci de là, des images fugitives de celui qu’il avait été, implorant de retourner dans son esprit.

Mais la nécromancienne sourit :
– Ah, je vois que tu as une fois de plus trouvé le chemin. Eh bien… une fois de plus, je suis prête à t’accueillir. Voyons voir ce que tu as vécu depuis la dernière fois. »

Et le sort fondit sur lui sans lui laisser la moindre chance. Comme le maléfice transférait ses souvenirs récemment acquis vers le globe, il entendit la voix moqueuse de la nécromancienne :
– Nous nous reverrons, mon ami ! »

Il se sentit repoussé vers une destination inconnue, avant que le néant ne s’impose à nouveau dans son esprit.

Le lendemain, il s’éveilla sur une paillasse miteuse. Où était-il ? Et quelle était cette voix étrange qui résonnait dans son crâne meurtri ?

Il sortit de l’auberge en quête de réponses.

Date d’écriture: 2007

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