Dans les temps anciens vivait un être mystérieux et sage qui, perdu sur un îlot de stabilité comme il s’en forme parfois au sein du grand chaos, profitait de ces quelques instants de calme pour se retirer parmi ses pensées. Aujourd’hui, son esprit, sans doute influencé par l’absence temporaire de fluctuations aléatoires, songeait à un nouveau concept qu’il nomma l’ordre. Il le matérialisa en un réseau cristallin de perles de temps et d’espace, entrelacées en une trame infiniment fine, maintenues immobiles par son vouloir.
Le réseau était trop régulier, songea son créateur. Et d’une impulsion mentale, il tordit la trame. En un point précis naquit une immense explosion qui mit toute sa création en mouvement. La matière ainsi libérée parcourut l’espace à des vitesses quasi-luminiques, selon les lois qu’il avait décidé d’expérimenter. Elle s’agrégea, localement, en étoiles et en planètes. De ci de là, à la surface de certaines planètes, des réactions physico-chimiques de plus en plus complexes apparurent. La complexité ne cessant de croître, d’étranges structures carbonées se formèrent et exploitèrent la matière pour se reproduire, jusqu’à atteindre une forme de conscience biochimique rudimentaire. Ces structures explorèrent l’espace qu’il avait créé et, continuant à se démultiplier, peuplèrent galaxie après galaxie en de curieux cycles de stabilité et d’expansion.
Et quand enfin toute la puissance qu’il avait mise en tordant la trame fut consommée, le mouvement de la matière ralentit puis cessa. Incapable de trouver de l’énergie pour continuer à se reproduire, les structures biochimiques s’en retournèrent au néant d’où elles étaient nées. Et la trame retrouva sa régularité première, figée à nouveau en une série d’entrelacs précis.
L’être avait pris grand plaisir à sa création. Il s’apprêtait à tordre de nouveau la trame quand il s’avisa que son îlot de stabilité se résorbait peu à peu, le chaos reprenant progressivement ses droits. Alors l’être abandonna sa rêverie, détruisant ainsi définitivement notre univers, et revint à ses activités premières.
Date d’écriture: 2018
Inspiré du mythe du rêve de Brahma
Une solution souvent apportée à la grande question : « d’où venons-nous ? », c’est… de ne pas y répondre en repoussant la question : « c’est un être supérieur qui nous a créé. »
Une réponse qui est peut-être tout à fait correcte, mais qui ne m’a personnellement jamais satisfait : d’accord, mais dans ce cas cet être supérieur, il vient d’où ? D’un être encore plus supérieur ? Qui vient lui-même de ?
Bref, c’est un raisonnement qui a vite tendance à tourner en rond. Cela dit, je n’ai pas moi-même de réponse plus satisfaisante à cette question. La seule façon que j’ai trouvé pour résoudre ce problème, c’est d’admettre que je n’ai pas les moyens d’en connaitre la réponse. 🙂
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