Quand il était petit, notre fils tapait des silex les uns contre les autres pour faire des étincelles. En grandissant, il s’est mis à jouer avec les allumettes. C’était notre expert pour allumer le barbecue, tout le quartier l’admirait pour ça, on était tous les deux très fiers qu’il soit aussi bon. Et puis un jour, notre voiture a pris feu. Il y avait une longue traînée d’essence qui menait à elle, c’était incontestablement d’origine criminelle. Puis ça a été la grange, et là j’ai eu un doute. Est-ce que notre fils… non, impossible. Pas lui, si doux, si joyeux… L’incendie suivant, une maison du voisinage, il y a eu un mort. La grand mère, trop faible, n’avait pas eu le temps de sortir. J’en ai parlé à mon mari, il a refusé de me croire, alors je suis allé voir la police toute seule. Mais sans preuves, rien à faire. Mon fils s’en est tiré. Les incendies ont continué quelque temps, et à chaque fois j’avais la conscience plus lourde. Jusqu’au jour où enfin, ils ont arrêté le coupable. C’était pas mon fils. C’était mon mari.
Après coup, ça a pris tout son sens. C’est son père qui lui a appris comment allumer un feu, il était toujours dans les parages dès que notre fils allumait une flamme. Si je n’avais pas été aussi aveugle, j’aurais pu arrêter ça. Il n’y a pas de fumée sans feu. Des voisins, des amis, des enfants de l’école de mon fils vivraient encore. Mais non, j’ai traîné mon propre garçon, parfaitement innocent, au poste de police pour l’y jeter en pâture. Quelle mère fait ça ?!
Il m’a pardonné. Il est même fier de mon… courage, même si je me suis trompée. Mais moi, je ne me le pardonnerai jamais.
Date d’écriture: 2017