Le rasoir d’Occam

Il était un enquêteur renommé pour la qualité de son travail d’investigation. En fait, tous affirmaient – et lui le premier – qu’aucun secret ne le restait longtemps s’il en décidait autrement. Et de fait, peu d’enquêtes étaient restées ouvertes bien longtemps après qu’on les lui ait confiées.

Un de ses anciens amis d’enfance revint un jour du monastère de Solanaé, où il avait consacré de bien longues heures à apprendre les arts de la philosophie et de la rhétorique. Le trouvant ainsi imbu de sa réussite, il décida de lui enseigner quelque humilité par le biais d’une épreuve :
– Je veux que tu découvres qui a écrit ces vers : « Mon esprit tourbillonne encore et sans cesse, comme le feu sur lequel la glace se déverse. Dans le siphon s’enfuient mes rêves d’antan, je crie de dépit mais personne ne m’entend. » »

Et le moine inscrivit le poème sur un parchemin pour que son ami ne l’oublie pas.

 

L’enquêteur débuta ses recherches à la bibliothèque locale, mais ne trouva aucune référence à ces vers. Il ne s’en inquiéta pas outre mesure : les enseignements monastiques ne figuraient pas parmi les ouvrages les plus fréquents.

Refusant de s’avouer vaincu, il entreprit un voyage fastidieux vers la lointaine Solanaé. Arrivé au monastère, il éplucha chaque ouvrage à la recherche du poème. Il n’y trouva pas la moindre référence. Il demanda donc conseil à la source, auprès des grands maîtres de l’Ordre. Aucun d’entre eux ne connaissait le texte.

 

Après des mois de fouilles sans succès, il rentra enfin chez lui. Il avoua sa défaite au moine et lui tendit le parchemin :
– J’ai échoué. Qui a écrit ces vers ? »

Le moine lui sourit :
– Mais c’est moi, voyons. Je les ai même écrits devant toi, sur ce parchemin. »

 

Date d’écriture: 2006

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