Le trésor

Des éclairs sous mes paupières. Aie. Le sang fait un boucan du tonnerre dans mes tempes. L’odeur des embruns investit mes narines. Je renifle. Quelque chose d’autre, dans l’air. Ca agresse mes sens. Sous mes doigts, la texture métallique du pont. Poisseuse. Ça ne va pas. Pas du tout. Je fouille dans ma mémoire. On a bu hier soir. Beaucoup. On fêtait quelque chose. On avait trouvé… quoi ? C’était important. Enorme. C’était… c’était…

J’ouvre les yeux un instant, les referme de suite. Trop de lumière. L’image colle à ma rétine. S’atténue tout doucement. Il y avait un cadavre à ma gauche. Je crois. Il faut que je me reprenne. Quelque chose s’est produit, quelque chose de terrible. J’ouvre les yeux. Le sang pulse dans mon crane. Pourquoi est-ce qu’il bat aussi fort ? Je tiens bon, mes yeux s’accommodent tout doucement. C’est bien un cadavre. Jorgen, le bosco. Jamais pu le saquer. De ce que je vois, le salaud a eu la gorge tranchée. Il ne méritait pas de mourir comme ça.

J’essaie de me redresser. Trou noir. Je crois que je me suis évanoui.

 

J’ouvre les yeux à nouveau. Le soleil est allé prendre sa pause pour la nuit. Je me sens faible. L’un dans l’autre, ça va quand même mieux qu’à mon réveil précédent. Bon. J’essaie de me lever pour la deuxième fois. Ça fait mal, mais je tiens sur mes jambes. Il y a du sang un peu partout. A première vue, pas le mien. Qu’est-ce qu’on avait trouvé ? Ça me revient. On avait déchiré le chalut sur une épave, dans les bas-fonds. On l’avait remonté, on avait dû en dégager pas mal de débris. Et dans les débris, il y avait ce coffre rempli de doublons.

Je pose la main sur la rambarde. Ca vibre. Bizarre. Le moteur du bateau tourne encore. Quelqu’un rit. Ça vient de la cabine du capitaine. Pas normal. Réfléchis, vite. Qu’est-ce qui s’est passé ? Ça me revient. J’étais ivre mort. Juste avant de sombrer, j’ai entendu des cris. Ça ressemblait à une bagarre. C’était…

Quelqu’un est en train de sortir de la cabine. Au même instant, je reconstitue la scène. Les cris. C’était une partie de l’équipage, en train d’assassiner l’autre. Question de mathématiques élémentaires. Moins de parts, plus de butin.

 

Je me rallonge en hâte, dans la même position qu’à mon réveil. Est-ce qu’il m’a vu bouger ? Des pas résonnent sur le pont. Ils peuvent garder le trésor. Les pas se rapprochent. Il ne m’a pas vu… Il ne m’a pas vu… Faites qu’il ne m’ait pas vu…

 

 

Date d’écriture: 2014
Aux victimes des pirates des temps modernes.

8 réflexions au sujet de « Le trésor »

  1. BRRRRR… s’il se fait tuer il pourra toujours maudire l’équipage à vie, enfin à mort. Ceci dit les pirates de l’époque avaient autrement plus de classe !

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  2. Je serais curieux de savoir dans quelle mesure la culture populaire idéalise les pirates des temps anciens. Je veux dire, à la base, ça reste des gens qui te tombent dessus, tuent sans vergogne tout ce qui bouge, enrôlent de force les survivants, tout ça. De nos jours, on appellerait ça des psychopathes. 🙂

    En revanche, des documents historiques montrent la plupart des équipages pirates avaient vraiment une forme d’égalité, dans la mesure où tous avaient leur part du butin (les règles de partage ayant été fixées avant de lever l’ancre, avec chacun qui a signé la charte du… bon pirate ?) et parfois, l’équipage avait également son mot à dire de manière quasi-démocratique sur les cibles à attaquer. Une démocratie entre les mains de psychopathes ? Hhmmm, c’est pas quelque chose qui se verrait de nos jours, non ?

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  3. Je me permets de m’immiscer…

    Tu ne ferais pas allusion à – entre autres – D. Trump des fois ?

    Un psychopathe est-il avide de biens et d’argent ?

    Sinon, je vois que tu t’intéresse à tes lointains ancêtres ( d’après la généalogie recensée par Nanine ), à savoir Jean Dalbarade, corsaire, enfin pirate du roi 🙂

    Le système égalitaire entre pirates assurait en quelque sorte leur pérennité…

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    1. Damned, j’ai dû penser un peu trop fort à notre cher Donald… 🙂 Non, de manière générale je ne pense pas qu’un psychopathe soit **nécessairement** avide d’argent, si ma mémoire est bonne la caractéristique première du psychopathe est son absence d’empathie… ce qui lui facilite toutes sortes de joyeuses activités comme de faire souffrir les gens, les tuer, etc., toutes ces choses qu’une personne ne présentant pas cette maladie aura bien plus de mal à faire car elle pourra plus facilement s’identifier à la victime. Mais il existe des tas de façons d’être psychopathe et bon nombre d’entre eux le vivent « fort bien » et l’expriment de manière non-violente (apparemment la maladie touche environ 1% de la population). Ce serait même un atout pour certains postes où des décisions difficiles doivent être prises (virer quelqu’un, sacrifier un soldat pour la mission, etc.), pour lesquelles avoir de l’affection pour un individu pourrait pousser à faire le mauvais choix.

      Bref, c’était la petite minute scientifique – de manière générale je suis fort content de ne pas avoir à faire ce genre de choix moi-même !

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